la porte du bonheur

La porte du Bonheur

Deux hommes de grande vertu parcouraient le monde depuis très longtemps dans l’espoir d’y trouver la véritable et universelle clef du bonheur. Ces amis d’enfance, du nom de Hans et Frantz, étaient dotés d’une qualité commune : l’émerveillement. En effet ; malgré l’étendue de leurs connaissances, ils avaient su garder un cœur d’enfant. Ils utilisaient d’ailleurs cette faculté chaque fois qu’ils avaient une décision importante à prendre.

Les 2 complices avaient eu vent d’une légende selon laquelle Dieu aurait lui-même construit une porte gigantesque au cœur du désert. On disait également que quiconque réussirait à l’ouvrir accéderait immédiatement à la sagesse suprême.

La rumeur courait aussi que personne jusqu’à ce jour n’avait été assez perspicace pour percer le mystère de cette porte dite du bonheur, laissant ainsi l’œuvre de Dieu inviolée depuis sa Création. Cette histoire invraisemblable avait piqué la curiosité de Hans et Frantz. Ils prirent donc la route du désert, voyant là une excellente occasion de parvenir plus rapidement à leurs fins.

Après un voyage difficile et parsemé d’embûches, les 2 amis se retrouvèrent au seuil de la porte magique. Cette porte était absolument majestueuse et digne des plus grands palais tout en se distinguant par sa simplicité et son absence d’apparats pompeux. Le sentier qui y menait était parcouru par une horde de chercheurs de vérité de tout acabit, poussés par l’espoir d’en découvrir l’énigme et accéder à l’ultime sagesse et au bonheur divin. Que de rêves brisés!

Tous les aspirants au nirvana finissaient par déclarer forfait et par rebrousser chemin. La mine déconfite, ils ne manquaient pas de décourager les nouveaux arrivants en leur disant que l’énigme était indéchiffrable. Car la mystérieuse porte n’avait même pas de poignée, encore moins de serrure ni même de pentures. Le seul ornement qu’on pouvait y voir était une inscription en lettres d’or formant le mot « Entrez », écrit dans toutes les langues de la terre. Mais comment faire pour entrer? Le mystère demeurait entier! Des centaines de scientifiques et de spiritualistes appartenant à toutes les couches de la société et à toutes les religions étaient venus du bout du monde pour étudier la question plus à fond. les premiers mettaient leur ingéniosité à l’épreuve en cherchant un mécanisme secret qui devait bien avoir été caché secret par le Créateur. Peut-être s’agissait-il d’un bouton savamment dissimulé sur le seuil ou dans la porte elle-même sur lequel il suffirait d’appuyer pour que le miracle s’opère.

 

La deuxième catégorie de chercheurs, spirituels cette fois, orientaient leurs investigations vers des procédés relevant davantage de la magie blanche. La plupart étaient convaincus qu’en récitant dévotement des prières, ou en scandant inexorablement d’interminables mantras tous plus hermétiques les uns que les autres, ils finiraient par atteindre la vibration sacrée qui provoquerait l’ouverture du portail divin. Mais rien de tout cela ne fonctionnait, et le site tant couru de la Porte du Bonheur devenait de moins en moins populaire en ces temps où la facilité régnait en roi et maître. Hans et Frantz ne se laissèrent pas emporter par le vent de découragement que tentaient de faire souffler sur eux les derniers chercheurs désabusés. Si bien qu’ils finirent par se retrouver seuls devant la porte magique, désormais désertée par tous. Nos 2 compères se souvinrent soudain que durant chacune des périodes initiatiques de leur vie, ils avaient toujours laisser leur enfant intérieur guider leurs gestes sans penser à ce qu’il serait « sensé » faire. Aussi eurent-ils simultanément l’intuition d’accepter l’invitation inscrite en lettres dorées et de pousser simplement la porte. Celle-ci s’ouvrit miraculeusement, sans tambours ni trompettes.

Personne jusqu’alors n’avait eu l’idée toute simple d’entrer, comme cela était pourtant clairement indiqué. La clef était à même la porte, en lettres de feu, exposée aux yeux de tous. Mais personne ne l’avait vue! Tous les chercheurs de vérité précédents avaient abandonné la partie, peut-être parce qu’ils mettaient trop de temps à chercher le bonheur, au lieu de s’affairer à être simplement heureux dans chacune de leurs actions quotidiennes, à la manière des enfants, qui ne cherchent jamais une joie supérieurs à celle qu’ils vivent intensément. L’expérience de la félicité est instinctive chez eux, jusqu’à ce que le mental brouille les pistes.

Lorsqu’on court continuellement après le bonheur, comment peut-on en jouir ? Pourquoi ne pas le laisser plutôt nous poursuivre ? Et pourquoi ne pas admettre que la chance et les occasions qui nous sont offertes sont des cadeaux divins ? Mais par-dessus tout, il ne faut jamais, alors là jamais refuser l’abondance. C’est ce qu’avaient compris depuis longtemps nos 2 compères, et ce qui les avait conduits dans le vestibule de la béatitude.

Frantz fut le premier à franchir le seuil de la porte. Il se retrouva aussitôt dans un monde féérique et paradisiaque auquel il ne put résister. Tout ce qu’il avait espéré de la vie se trouvait là, à portée de main. Enfin, il touchait à la perfection; il voyait le résultat des efforts innombrables qu’il avait fournis durant toute une existence de recherche effrénée.

Mais avant de poursuivre, Frantz jeta un dernier coup d’œil derrière lui. A sa grande surprise, la porte était en train de se refermer devant son copain Hans, qui attendait sur le seuil, indécis.

« Viens, cria Frantz d’un ton péremptoire. Hâte-toi de venir me rejoindre! Nous avons bel et bien découvert le ciel. » Malgré l’aura de bonheur qui entourait son ami déjà en route vers l’invitante lumière, Hans hésitait toujours. Il laissa pourtant la Porte du Bonheur se refermer devant lui. Ce qu’il avait vu au-delà de ce portail semblait si merveilleux qu’il lui paraissait injuste que son ami et lui soient les seuls à en bénéficier.

Peut-être que la mission de Frantz s’arrêtait là, mais il était évident que celle de Hans débutait à l’instant. C’est ce que son enfant intérieur venait de lui crier, au moment même où, devant l’insistance de son ami, il s’apprêtait lui aussi à franchir le seuil de la Porte du Bonheur.

Hans avait le visage inondé de larmes, à cause de la peine qu’il ressentait à la suite de sa séparation d’avec son copain de toujours. Mais il s’attaqua courageusement à sa nouvelle tâche, qui consistait à enseigner aux chercheurs de vérité qui voudraient bien l’écouter, que la simplicité même aux plus grandes découvertes. Il allait leur montrer la véritable voie du bonheur, celle que leur enfant intérieur, endormi chez plusieurs d’entre eux, pouvait leur indiquer.

Installé au bord de la route, le jeune maître s’attacha dés lors à raconter son expérience aux rares pèlerins qu’il croisait, en les incitant à faire comme lui. La plupart ne l’écoutaient pas car son langage était trop puéril. En revanche, quelques uns, une minorité malheureusement, le crurent. Ils se rendirent ainsi jusqu’à la porte magnifique et la poussèrent simplement pour aller rejoindre Frantz, qui les attendait sûrement de l’autre côté. On dit que cette Porte du Bonheur existe toujours, quoique très peu de gens y croient en ces temps où les contes n’émerveillent que les enfants. On raconte aussi qu’un sage très âgé, qui aurait reçu de Dieu le don de l’immortalité, parcourt constamment la voie qui y mène, en semant ses graines de simplicité dans le cœur des petits de tout âge. Ce vieux sage a pour son dire, et il a peut-être raison, qui sait ? qu’il est plus important de vivre le bonheur que de le chercher….Bon Chemin !